08/05/2013, LES PAYS DE SAVOIE SONT-ILS EN FRANCE ?
Editorial ECO DES PAYS DE SAVOIE, article de Alain Veyret, Directeur de la publication.
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LES PAYS DE SAVOIE SONT-ILS EN FRANCE ?
Le Président des États-Unis se livre, chaque année en janvier, à un
rituel exercice intitulé « Discours sur l’état de l’Union », devant les
membres du congrès et du Sénat réunis, donnant sa vision sur le bulletin
de santé du pays. L’Union européenne s’est également mise à pareille
épreuve avec le discours du Président de la commission devant le
Parlement de Strasbourg à chaque début de session plénière de rentrée.
Ce sont des rendez-vous salutaires et indispensables qui obligent à poser
et à se poser bien des questions fort utiles, lorsqu’il s’agit ensuite d’établir
des politiques dites « pertinentes ». Toute thérapie ne commence t-elle pas
par une bonne appréhension du sujet pour établir le diagnostic ?
En démocratie, il serait sain, pour tout responsable d’exécutif local,
de s’astreindre, dans un souci d’efficacité pratique, à cet exercice
d’analyse et de réflexion publique.
Toutes proportions gardées, et plus modestement, Éco dresse, chaque
année depuis huit ans maintenant, un panorama aussi exhaustif et fidèle
que possible des Pays de Savoie, rassemblant une masse de statistiques
souvent éparses sinon partielles, donnant des éclairages parfois inédits, secteur par secteur. Évaluant, disséquant, comparant, commentant des
chiffres et des pourcentages qui, dans l’absolu, ne se
révèlent pas très significatifs, mais qui, lorsqu’ils sont
mis en perspective dans le temps, année après année,
et dans l’espace par comparaison avec d’autres
collectivités similaires, prennent dès lors une
signification indispensable à connaître pour toute
prise de décision de la part des décideurs politiques
et des acteurs économiques.
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Nos motivations préalables étant exposées, passons au fond : quelles
couleurs ont les Pays de Savoie, hormis le rouge et le blanc de leur
blason, à l’issue de cet an de grâce 2012 ?
Disons le tout net, le millésime en question, s’il ne figurera pas parmi
les grands crus qui feront date, s’en tire néanmoins fort correctement,
l’économie savoyarde y a fait mieux que résister. Le tableau qui s’affiche
ne ressort pas en noir et blanc dans les tons de grisaille ambiante. Même
si la fin de l’année s’avère plus en demi-teinte que ne le laissait présager
un premier trimestre aux couleurs tonitruantes. L’un dans l’autre, l’année
2012 aura été très correcte en Pays de Savoie. En tout cas, rien à voir
avec les tonalités très noircies qui ressortent dans beaucoup de
départements français.
Alors, pas en France, les départements savoyards ? À bien des égards,
oui Les Pays de Savoie ressortent comme atypiques au regard de la
plupart des autres régions de l’Hexagone!
Dans presque tous les cas de figure, les Pays de Savoie se situent deux
crans au-dessus ou au-dessous, c’est selon, de la moyenne nationale,
Rhône-Alpes se situant à l’échelon intermédiaire. Ainsi, par exemple, en
termes de chômage, quand la France frise les 10 % (3″ trimestre 2012),
Rhône-Alpes campe à 8,8 % et les Savoie à 7,7 %.
Pourquoi un tel décalage tant structurel que conjoncturel ? y aurait-il
un microclimat lémanique au point que nos voisins suisses nous
qualifient flatteusement de « petite Allemagne » ? Comme souvent, la
réponse n’est pas unique, mais l’explication se trouve dans de multiples
causes que chacun pourrait classer selon son propre ressenti.
Même si certains secteurs y sont forts et prégnants, comme le tourisme
en montagne et le décolletage dans la vallée de l’Arve, le principal atout
économique savoyard réside dans la diversité de son tissu.
La montagne a accouché, via l’hydroélectricité et la métallurgie,
d’industries mécaniques de premier plan, le tourisme d’hiver a engendré
de multiples entreprises de biens de consommation, ses alpages de
produits AOC réputés. Même le secteur du BTP, le plus à la peine en
2012, bénéficie chroniquement d’une démographie soutenue, bon an
mal an, crise ou pas crise, de 13 000 à 14 000 habitants de plus chaque
année ! Plus que l’équivalent d’une ville comme Rumilly ou La Motte_
Servolex à construire en douze mois ! L’attraction genevoise, et son
cortège de frontaliers, explique aussi l’étrange dynamisme savoyard.
Ajoutons encore, pour faire bonne mesure, un taux d’exportation hors norme,
on estime à 40 % les emplois dédiés à l’export et l’on aura
l’essentiel des raisons objectives de la vitalité économique savoyarde.
Restent les hommes et les mentalités, directement issues aussi des
valeurs montagnardes d’opiniâtreté, de responsabilité et de solidarité.
Du goût de l’effort aussi et de l’habitude à surmonter une nature pas
toujours clémente. De là, une capacité rarement démentie à toujours
être en évolution sur ses fondements ancestraux, à rebondir sans cesse
malgré les coups durs. Les risques, les montagnards les connaissent et
vivent avec, constamment aux aguets dans l’innovation, ouverts vers
l’extérieur mais fidèles à leur terroir et fiers de leurs racines, même quand
elles sont d’adoption.
Toutes ces valeurs morales qui n’ont pas de prix par les temps qui
courent et qui ont permis de traverser sans trop de casse, bien des
mutations et bien des crises, dont la dernière en date, celle de 2008-2009,
en développant une étonnante capacité d’adaptation et de mobilisation
publique, privée, industrielle et financière.
Est-ce à dire que tout est et sera toujours pour le mieux sous le ciel
savoyard ? Certes pas, et les gros nuages qui s’accumulaient fin 2012_
début 2013, ne lassent pas d’inquiéter mais tant que les Savoie croiront
en leurs valeurs et auront foi dans leur travail et leurs entreprises, elles
seront à l’abri, du moins, elles s’en sortiront mieux que les autres.